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RECEPTION MENSUELLE DES CHOMEURS PAR L ANPE : UNE BOMBE
Quand ça pète dans les banlieues, on décrète que l'ANPE recevra les jeunes. Les conseillers de l'ANPE, ceux qui sont au front, ont déjà reçu beaucoup de jeunes cet été, puis cet automne les minima sociaux. Ils se préparent la totale pour ce mois de janvier : réception mensuelle de tous les demandeurs d'emploi, en banlieue, en ville et en campagne, et par le même conseiller, s'il vous plaît.
On rêve : il faut savoir que l'ANPE n'a même pas pu réaliser le suivi semestriel des chômeurs instauré par le PARE en 2001 (qui a généré la montée des radiations pour absence à entretien). Le pire, c'est que l'ANPE ne sait pas comment faire pour mettre en place cette usine à gaz. Elle se décharge sur les agents dans le style « on vous donne les objectifs et vous vous débrouillez » en habillant le bébé avec des mots ronflants comme « responsabilisation » ou « temps autogéré » - et une petite prime en carotte avant les coups de bâtons.
Et il va proposer quoi, le conseiller, à 150 ou 200 demandeurs par mois (les estimations sont très floues) ? Ce qu'il a en magasin, c'est à dire ni les emplois que le « client » attend ni les formations qu'il espère, ni aucune nouvelle perspective professionnelle. A qui il va en vouloir, le client, à votre avis ?
Il n'y a pas assez d'emplois pour tout le monde et l'argent de la formation finance les besoins du patronat. Les agents du front sont très exposés, désignés à la colère des chômeurs, soumis à un stress important, pressés pour faire du chiffres, bien peu respectés par l'établissement, bien mal payés pour ça.
Les conditions de travail ne prédisposent pas à la disponibilité qu'il leur faudrait à tous pour mieux accueillir les gens. Ils reçoivent des chômeurs dont les problèmes les touchent dans leurs convictions profondes (professionnelle, morale, éthique, citoyenne, politique…) et pour lesquels ils n'ont que trois bouts de ficelle pourrie en magasin, et pas assez de temps pour l'écoute et le conseil.
A un travail difficile s'ajoute une réputation détestable : « ils ne foutent rien à l'ANPE » - c'est ce qu'un certain Jacques Marseille, expert en je ne sais quoi, à dit en substance et de façon très méprisante sur la Cinq pendant l'émission C dans l'air de Calvi, qui n'a rien relevé. Il y avait là matière, au moins pour « une certaine catégorie de personnel », à aller en justice pour diffamation, et au minimum à obtenir un droit de réponse. Ce qu'elle « fout », l'ANPE, Monsieur Marseille, c'est obéir aux ordres. L'ANPE a perdu son utilité publique au profit de son utilisation politique. Elle formate et cravache les agents pour qu'ils fassent baisser les chiffres du chômage. Le facteur humain est ignoré, qu'on soit agent du front ou chômeur.
Question facteur humain, la réception mensuelle d'un demandeur d'emploi par un même agent pourrait être une excellente idée. Il fut un temps où les conseillers professionnels pouvaient faire de vrais « suivis », avec travail d'orientation, mise en place de parcours… où les conseillers à l'emploi avaient le temps de soutenir et guider les demandeurs dans leurs recherches… C'est bien ce que souhaiterait bon nombre d'agents et de chômeurs.
Làs ! Ces compétences et cette éthique ne sont plus d'actualité. La consigne à l'ANPE c'est : contrôles et flicage à tous les étages, et faites de bons chiffres ! Les quelques milliers de nouveaux recrutés, sur des profils commerciaux, vont être rapidement « playmobilisés » et jetés au front. Il y aura de la prestation en magasin, que l'agent du front sera sommé de fourguer manu-militari - du style « stages » de Techniques de Recherche d'Emploi, souvent humiliants, voire vexatoires. Ou Plate-forme dite de « vocation » qui te persuade que tu serais un bon maçon ou un bon serveur, s'il y avait des offres convenables… Les chômeurs sont exaspérés à juste titre. Que leur colère ne se retourne pas trop vite contre les agent-es de l'ANPE ! Laissez-leur le temps d'organiser la résistance.
Les agents de l'ANPE sont des facteur-es humain-es. Dans tous les groupes humains, vous avez des profiteurs, des aigris, des zélés, des ambitieux, des tire-au-flanc, des agressifs. Chez les chômeurs aussi et chez les députés et chez les patrons, il y en a partout. On pourrait passer sa vie à les traquer et à les dénoncer. N'y a-t-il pas mieux à faire ?
Les radiations pour absence à entretien ou à convocation sont de loin les plus nombreuses. On peut facilement imaginer qu'elles vont exploser. Que cette explosion n'en entraîne pas d'autres, pires, n'est pas de la seule responsabilité des agent-es de l'ANPE.
13/01/2006 Rose
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