Syndicat de la Magistrature
Lettre ouverte au garde des Sceaux :
NON À L'ÉTHIQUE DE SOUMISSION

Le Syndicat de la Magistrature a été invité, en urgence par le ministère de la justice, à donner son point de vue sur les propositions de "la commission de réflexion sur l'éthique dans la magistrature" dite commission Cabannes.
Dès sa création, le Syndicat de la Magistrature a toujours porté un regard critique sur l'institution judiciaire plaçant ainsi le justiciable au centre de ses revendications. Les membres du Syndicat de la Magistrature ont cherché à s'interroger sur leurs pratiques professionnelles, à y réfléchir et à travailler avec des partenaires non-magistrats pour critiquer le fonctionnement de la justice. Le Syndicat de la Magistrature a toujours nourri une réflexion sur l'éthique et proposé des réformes ambitieuses en ce domaine.
Le Syndicat de la Magistrature considère que le questionnement sur l'éthique doit, pour être exhaustif, prendre en considération l'institution judiciaire dans sa dimension globale. La mise en oeuvre et le respect des principes fondamentaux sont de nature à permettre d'éviter certaines dérives individuelles : la collégialité, la publicité des audiences, l'égalité des armes, le respect du principe du contradictoire et des droits de la défense. C'est également dans une préoccupation éthique, que le Syndicat de la Magistrature a réclamé la réforme des tribunaux de commerce au sein desquels tant de pratiques abusives ont été constatées.
Or les réformes que vous accumulez nous éloignent de l'éthique du procès équitable telle que définie à l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.

(…)

Sur le fond, le Syndicat de la Magistrature est frontalement opposé aux mesures phares de ce rapport.
La modification du serment proposée par le rapport Cabannes traduit la volonté de museler les magistrats en renforçant leur devoir de réserve. Vos services tentent aujourd'hui de minimiser le contenu de cette obligation pourtant clairement définie dans les premières conclusions de la commission Cabannes, comme une interdiction de tout militantisme actif politique ou syndical.
Cette politique de soumission s'intègre d'ailleurs parfaitement dans le contexte politique actuel et dans votre gestion du ministère public.
Réaffirmant dans le code de procédure pénale la prééminence de l'exécutif sur les magistrats du parquet, vous avez placé de façon méthodique comme procureurs de la République des personnes qui vous sont proches, rejetant tout pluralisme et passant allègrement outre les avis contraires du conseil supérieur de la magistrature. Après l'avoir coopté, vous soutenez le directeur de l'École Nationale de la
Magistrature, qui fait enseigner avant l'heure « la déontologie version Cabannes », multiplie les atteintes aux droits syndicaux et érige la censure en méthode pédagogique. Ces exemples illustrent votre souhait constant de limiter la parole des magistrats pour mettre en place une véritable culture de soumission bien loin de l'indépendance, nécessaire à la mission de garant des libertés des citoyens assignée aux magistrats par l'article 66 de la constitution.

(…)

Dans ce contexte, le Syndicat de la Magistrature réaffirme que le but de votre réforme n'est pas de garantir au justiciable une meilleure justice
mais de vous assurer le silence et la dépendance de la magistrature.
Si tel n'est pas le cas, nous vous demandons solennellement d'ouvrir le débat aux propositions du Syndicat de la Magistrature.
Veuillez agréer, Monsieur le garde des Sceaux, l'expression de notre considération.

Paris le 12 avril 2005
Pour le Syndicat de la Magistrature
Aïda Chouk, présidente


De : Aïda Chouk

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